Cet article traite de la fixation des prix en économie et tente notamment de répondre à cette question: quels sont les différents facteurs et stratégies qui influencent la fixation des prix ?
La France a connu, en 2015, une inflation nulle, une première depuis soixante ans. Il est en effet très rare pour les Français de voir le prix moyen des biens de consommation rester stable d’une année à l’autre. Conjointe à une augmentation du salaire moyen sur cette période, cela représente un gain moyen de 225 euros de pouvoir d’achat pour les ménages (source Les Échos, janvier 2016, voir références). Mais selon quels critères une entreprise décide de la variation, ou non, du prix de ses produits ? De sa politique de prix ?
La politique de prix se définit comme un ensemble de décisions ou d’actions réalisées pour déterminer la structure et le niveau de tarification des biens et/ou services proposés aux clients acquis ou potentiels. La politique de prix apparaît donc comme déterminante dans la stratégie que l’entreprise adopte pour se positionner sur un marché. En effet, le prix semble être un outil primordial pour se faire une place parmi ses concurrents, augmenter ses marges et accroître le volume de ses ventes.
I.Grande approche de fixation du prix
1. Le prix, acteur principal sur les marchés;
A) Définition d’un marché
Un marché est un lieu de rencontre, fictif ou réel, de l’offre et de la demande pour un bien ou un service donné. Il existe une multitude de marchés différents, il y en a un pour chaque bien et service. Il est délimité par un périmètre qui définit le cadre et les limites de celui-ci. Ce périmètre de marché se mesure par le degré d’élasticité croisée. Le marché permet d’adapter l’offre à la demande. Le prix d’équilibre se définit par la rencontre d’une offre et d’une demande. La rencontre des deux agents : l’offreur (producteur du bien ou du service) et le demandeur (clients), permet de le fixer.
B) Formation des prix sur les marchés
La politique de prix désigne un ensemble de décisions et d’actions réalisées pour déterminer la structure et le niveau de la tarification des biens et/ou services proposés au(x) client(s) acquis ou à conquérir. Elle est donc la pierre angulaire d’une entreprise. Sans une politique de prix bien déterminée à l’avance, elle ne pourra jamais vraiment maximiser ses profits. Mais comment fixer ses prix ? Quels sont les grands principes théoriques à prendre en compte pour établir une politique de prix cohérente ? La théorie de l’offre et de la demande est une déterminante majeure de la fixation du prix, elle vise à établir le prix d’équilibre d’un marché. L’offre est une fonction croissante des prix, et inversement la demande est une fonction décroissante des prix. Lorsque ces deux courbes se croisent, le prix d’équilibre est fixé. Aucune entreprise n’acceptera de fixer des prix plus bas que ce dernier. Cependant, le prix d’équilibre ne permet pas toujours aux offrants de dégager un revenu suffisant, dans ce cas, l’État décide parfois de fixer un prix plancher. Supérieur au prix d’équilibre, un prix plancher est un prix minimum de vente visant à assurer aux offrants un revenu minimum pour être rentable. À l’inverse, dans l’intérêt des consommateurs, un prix plafond peut aussi être fixé par les autorités. Aucun offrant ne peut vendre à un prix supérieur au prix plafond.
2. Les éléments du marché qui structurent le prix
A) Les barrières à l’entrée et les nouveaux entrants
Le prix est également influencé par les barrières à l’entrée, c’est-à-dire l’ensemble des obstacles naturels et artificiels qui rendent très difficile l’entrée de nouvelles entreprises sur un marché. Ces barrières sont d’origines diverses :
- L’avancée technologique de la ou des entreprises présentes est très importante, voire impossible à rattraper (brevets non accessibles).
- La ou les entreprises présentes bénéficient déjà d’importantes économies d’échelle et les coûts fixes à supporter par le nouvel entrant paraissent trop importants.
- La fidélité à la marque déjà existante est extrêmement puissante pour des raisons sociales, culturelles, de savoir-faire ou simplement financières.
- Les acteurs déjà présents sur le marché maîtrisent complètement les circuits de distribution.
- Certaines réglementations nationales peuvent aussi, dans certains cas, constituer des barrières à l’entrée mises en place par les États eux-mêmes.
Il existe des barrières absolues qui ne peuvent pas être surmontées pour accéder à un marché, et les barrières relatives qui peuvent être dépassées en engageant des dépenses suffisantes. Dans le premier cas, les obstacles à l’entrée sont insurmontables, car ils entraînent un coût trop important ou alors la réglementation l’interdit. Par exemple, un brevet rend une innovation inaccessible pour les concurrents.
Dans certains cas, les barrières à l’entrée sont tellement importantes qu’il se forme des monopoles naturels. Ces derniers résultent de l’existence d’économies d’échelles telles qu’une unique entreprise est capable de fournir l’ensemble du marché, en étant plus compétitive que n’importe quel potentiel entrant sur le marché. C’est le cas notamment lorsque la production nécessite de lourdes infrastructures (chemins de fer, eau, électricité, etc.). Les monopoles naturels sont souvent des services publics. Des monopoles naturels peuvent néanmoins disparaître du fait d’évolutions technologiques. C’est le cas des télécommunications par lignes de cuivre au moment de l’arrivée de la téléphonie mobile. Le prix est également influencé par l’intensité concurrentielle. En effet, plus le nombre de nouveaux entrants est important, plus la concurrence est importante. Cela a une influence sur les prix : une intensité concurrentielle forte rend la compétitivité plus difficile à atteindre. Si au contraire, l’intensité concurrentielle est faible et qu’il n’y a qu’un nombre restreint d’offreurs, on parle alors d’oligopoles. Ceux-ci peuvent mener à des stratégies de concentrations ou des abus de positions dominantes (II / B – 2.). Pour être compétitives, les entreprises devront alors diminuer leurs prix (gagner en compétitivité prix) et/ou développer leurs facteurs différenciateurs (gagner en compétitivité hors prix).
Selon le courant néo-classique, le marché est dominé par la théorie de la concurrence pure et parfaite (CPP). Cette dernière répond à 5 hypothèses :
- L’atomicité : l’intensité concurrentielle est forte sur le marché (pas de monopole ni d’oligopole).
- L’homogénéité du produit : tous les produits sont similaires.
- La liberté d’entrée et de sortie : il n’y a pas de contraintes à l’entrée ni à la sortie des acteurs sur le marché.
- La transparence des acteurs : tous les acteurs ont accès aux mêmes informations (pas d’asymétrie de l’information).
- La mobilité des facteurs de production : les facteurs de production sont orientés vers les marchés les plus favorables.
Dans le cadre d’une CPP, l’entreprise est price taker, c’est-à-dire que l’entreprise n’est pas en mesure d’imposer sa volonté sur le marché, elle est soumise au prix imposé par le marché. Si au contraire, la concurrence est faible (monopole ou oligopole), l’entreprise est alors price maker et peut fixer le prix qu’elle désire, car elle a un pouvoir de marché (sous réserve d’absence de prix plafond).
B) L’élasticité prix
L’élasticité prix (EP) est le rapport entre le taux de variation de la demande d’un produit et le taux de variation prix d’un produit. Il mesure l’influence de la variation du prix d’un produit sur la demande de ce produit.
- Si l’EP est négative, cela signifie qu’une hausse des prix entraîne une baisse de la demande et qu’une baisse des prix entraîne une hausse de la demande. L’EP est négative pour la grande majorité des produits.
- Si l’EP est inférieure à -1, la variation des ventes est supérieure à la variation des prix. Une baisse des prix aura une forte influence, à la hausse sur la demande.
- Si l’EP est comprise entre 0 et -1, la variation des ventes est inférieure à la variation des prix. Une hausse des prix aura seulement une faible influence, à la baisse, sur la demande.
- Si l’EP est nulle, cela signifie que la demande ne change pas, quelle que soit la variation du prix. L’EP est nulle dans des situations de concurrence monopolistique temporaire. EX : Les médicaments.
- Si l’EP est positive, cela signifie qu’une hausse des prix entraîne une hausse de la demande. Ce cas de figure ne se retrouve que dans l’industrie du luxe et est donc relativement rare, il est fortement lié au principe de consommation ostentatoire et l’effet Veblen (cf III / B – 1.)
Formule de calcul :
EP = [( V1 – V0 ) / V0] / [( P1 – P0 ) / P0 ]
V0 = volume des ventes au moment où les prix valent P0
V1 = volume des ventes au moment où les prix valent P1
C) L’élasticité prix croisé
L’élasticité prix croisée (EPC) est le rapport entre le taux de variation de la quantité demandée d’un bien A et le taux de variation du prix d’un autre bien B. Son interprétation s’avère utile dans la détermination du périmètre d’un marché, d’un éventuel abus de position dominante et de la substituabilité de deux produits. Ce dernier point constitue l’utilité principale de ce calcul:
- Si l’EPC est positive, cela signifie que l’augmentation du prix d’un bien entraîne l’augmentation de la demande d’un autre bien. Les deux biens sont donc substituables, ils appartiennent donc au même marché.
EX : L’augmentation du prix des Iphones entraînerait une hausse de la demande de Samsung Galaxy.
- Si l’EPC est négative, cela signifie que l’augmentation du prix d’un bien entraîne la diminution de la demande d’un autre bien, ils sont donc complémentaires, et ne sont pas sur le même marché.
EX : L’augmentation du prix du café entraînerait une baisse de la demande de sucre.
- Si l’EPC est nulle, cela veut dire que les biens sont indépendants.
EX : L’augmentation du prix des fleurs n’aurait pas de conséquence sur la demande de livres.
D) Les conditions d’optimalité
Les entreprises doivent tenir compte du coût marginal dans leur politique de fixation des prix. Les coûts marginaux représentent les coûts induits par la dernière unité produite, “Que coûte à l’entreprise de produire une unité supplémentaire ?”. En effet, l’analyse micro-économique classique est “marginaliste” : elle considère que les chefs d’entreprise rationnels ne doivent produire que tant que le prix de vente est supérieur au coût marginal. Les conditions d’optimalité permettent la maximisation du profit sur un marché concurrentiel. Le profit est maximum lorsque la quantité produite q0 est telle que la recette marginale ( Rm) est égale au coût marginal (Cm). La Rm mesure la variation de la recette totale consécutive à l’augmentation d’une unité de la quantité vendue.
- Si Rm > Cm
Le profit augmente si la quantité augmente
- Si Rm < Cm
Le profit augmente si la quantité diminue
- Si Rm=Cm
Le profit est maximum
E) Le coût total moyen
Le calcul du coût total moyen (CTM) a pour but de déterminer la zone de bénéfices potentiels de l’entreprise. Lorsque le prix est égal au minimum du CTM, l’entreprise est à son point mort, c’est-à-dire qu’elle atteint son seuil de rentabilité.
L’entreprise commence à réaliser des bénéfices quand elle dépasse ce point. Le seuil de rentabilité est le chiffre d’affaires à partir duquel l’entreprise commence à être rentable, c’est-à-dire qu’elle est capable de payer ses charges fixes, donc quand le prix de vente est supérieur ou égal au CTM.
CTM = Coût Total / Quantité produite
F) Le coût cible
Le coût cible (ou target costing) est un système qui permet d’identifier et réduire les coûts de la production ainsi que d’identifier et maximiser les profits. D’un point de vue technique, selon Robin COOPER, il s’agit d’identifier le coût de production d’un produit proposé de telle sorte que lorsque le produit sera vendu, il fournira la marge de profit désirée. D’un point de vue managérial, selon Yukata KATO, il s’agit d’un système de gestion stratégique du profit. Cette méthode inverse les relations traditionnelles entre prix, coût et marge en considérant le coût comme une contrainte qu’il faut absolument satisfaire pour réaliser ses objectifs stratégiques.